L'incident de Sakai 堺事件 (partie 2): "尊皇攘夷 ! Sonnō jōi! Révérer l'Empereur, expulser les barbares"

 Le contexte

La période Meiji (1868-1912) connait des bouleversements terribles pour la societé japonaise. Le pays passe peu à peu d'une societé féodale à un système occidental qui change radicalement la facon de penser et de vivre des japonais.

L'Empereur Komei père du futur empereur Meiji vit une fin de règne ambigu et torturé.

Il signe le traité de Kanagawa, sous la menace des americains, qui autorise les puissances occidentales à entrer dans les ports de Shimoda et Hakodate.

Toujours sous la menace il signe à contre coeur le traité de Harris en 1865, qui oblige le Japon à ouvrir d'autres ports, non seulement pour y mouiller leurs bateaux mais aussi pour y commercer et y vivre. De plus tout étrangers commettant un délit ne pourra être poursuivi par les japonais mais uniquement par son pays d'origine. Ce texte oblige les japonais à acheter des navires de guerres aux Etats Unis.

Navires noirs de l'americain commodore Perry, forçant les japonais à ouvrir leurs ports

L'Empereur Komei affaibli tenta de signer un décret visant à expulser les étrangers, mais celui-ci décéda de la variole en 1866, sans doute empoissonné avec un mouchoir par quelques intriguants. Son fils Meiji, prend le pouvoir et ouvre définitivement le pays aux étrangers.

Avant Meiji l'empereur n'avait presque aucun pouvoir sauf celui de représentant officiel du Japon devant les puissances étrangeres. Le véritable dirigeant était le Shogun, seigneur de guerre et samurai, à cette époque de Meiji ce fut Yoshinobu Tokugawa, 15 ème et dernier shogun du Japon, qui refusait l'abdication de l'empereur aux étrangers, mais qui eu de bons contact avec la France, qui le soutenait dans son combat, militairement et financièrement.

Yoshinobu Tokugawa

Cependant 2 grands clans de samurai, Choshu et Tosa, décidèrent de s'allier pour renverser le shogun qui selon eux, trahissait le Japon en nouant ces relations avec les francais. Tosa demanda au Shogun de rendre le pouvoir à l'Empereur pour unir le Japon. Avec cette  manœuvre le clan de Tosa se voit confier la protéction de Sakai. C'est ainsi que débuta la restauration impériale de Meiji. Mais celui-ci, sous influence occidentale, fit écraser et taire les nationalistes de Choshu et Tosa qui pourtant l'avait aidé à reconquérir les pleins pouvoirs.

C'est dans cette période agitée qu'éclata plusieurs incidents dont celui de Sakai:

Il est 16h en ce 8 mars 1868, le bateau à vapeur francais Dupleix en repos dans la baie d'Osaka envoie une barque pour sonder le port de Sakai et espionner les installations militaires de la ville. Ceci fit suite au refus des autorités de la ville de laisser passer le capitaine Roy et le vice consul Villau, stoppés au pont de Yamato(voir plan en bas de page), alors que légalement, les francais pouvait se promener dans la ville suite aux traités de Kanagawa et Harris, non reconnus par le clan Tosa qui vouait une haine des francais, amis du shogun Tokugawa et étrangers avant tout.

Phare du port de Sakai, période Meiji

Au total 22 marins prennent part à l'expédition.

6 se reposent dans l'auberge maison close Asahichaya,(voir plan en bas de page)

7 vont au temple Shin Sumiyoshisha.

9  restent près de la barque.

Au premier étage de la maison close attendent une dizaine de soldats du clan Tosa, responsables de la sécurité de la ville. Ces derniers ont expulsés la famille et le propriétaire pour monter leur embuscade. Les japonais font feu, tuant de leurs mousquets les 6 marins.

2 marins du contingent de Shin Sumiyoshisha patrouillant près de l'auberge sont poursuivis par les guerriers japonais, pendant ce temps, les 5 marins du temple fuient vers la barque pour rejoindre les 9 francais restés près de celle ci, et attendent le retour des marins pourchassés, mais ces derniers sont abattus à quelques mètres de l'embarcation.

Illustration de l'attaque des marins par les samurais de Tosa

1 marin blessé resté à terre, voit depuis le mur de pierre derrière lequel il s'était refugié, la débacle de ses coéquipiers qui tente de fuir sous le feu des japonais en sautant dans l'eau. L'un d'entre eux est mortellement touché, 2 autres blessés réussirent à rejoindre avec d'autres le bateau à vapeur d' ils tirent en retour avant de prendre le large à 17h.

Le marin resté à terre, attend que la situation se calme sans savoir comment s'échapper. C'est alors qu'un habitant du quartier l'aida à rejoindre la barque sans encombre et retrouver le bateau à vapeur avant que celui-ci ne prenne le large.

C'est au total 9 marins qui pèrirent en cette après midi du 8 mars.

2 autres succombèrent à leurs blessures le lendemain..

Cet incident fut suivi de la condamnation des samurai fautifs par harakiri (seppuku) au Myokokuji (voir article précédent) sur demande de l'ambassadeur francais Léon Roches.

Tombes des marins français au cimetière des étrangers de Kobe

 

Les 11 marins français tombés pendant l'incident de Sakai du 8 mars 1868:

-Guillon Charles Pierre, 22 ans, Aspirant, chef de l'unité de patrouilleur dans le port Sakai.

-Lemeur Gabriel Jacques Marie, 28 ans, parti de Brest.

-Glunenberger Victor, 24 ans, pilote de l'embarcation.

-Langenais Auguste-Louis, 22ans, parti de Granville.

-Bobes Lazare Marie, 22ans, parti de Cherbourg.

-Modest Pierre Marie, 27 ans, militaire de carrière, parti de Brest.

-Humet Arsene Florimond, 23 ans, parti de Cherbourg.

-Nouail Jean Mathurin,22 ans, parti de Cherbourg

-Lavie Jacques, 22 ans

-Boulard Vincent, 20 ans, parti de Brest, mort le 9 mars 1868 des suites de ses blessures

-Condette Francois Desire, 23 ans, parti de Dunkerque, mort le 9 mars 1868 des suites de ses blessures

Sources:

La plupart des textes en anglais, francais ou japonais (dont le célèbre manga de Hiroshi Hirata) tirent leurs informations du livre de Mori Ogai, auteur nationaliste japonais, son livre est publié en 1914 dans un contexte pro-empereur et de construction d'identité nationale.

Ce livre permet d'avoir une approche approximative du contexte mais reste une source  extrêmement subjective. Le récit d'Ogai recèle de nombreuses erreurs, sur certains lieux, nombre de personnes, déroulement de l'incident comme de l'exécution des samurais.

Ici sont réunies, compilées et résumées. les informations depuis le texte d'Ogai, confronté avec le rapport officiel et avec la collaboration du 堺市文化観光局文化部文化財 bureau héritage culturel du patrimoine et du tourisme de la ville de Sakai

 

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