Musée de l'arquebuse, histoire des lanceuses de feu, Sakai Tzutsu 堺筒



Depuis le 3 mars, ouverture du nouveau musée de l'arquebuse de Sakai
adresse: 1-2-7 Kitahatagochonishi, Sakai-ku, Sakai shi





Quelles étaient les particularités des belles de fer cracheuses de feu de Sakai? Réputées et redoutées dans tout le pays. Commandées en nombre par des seigneurs aussi prestigieux que le shogun Oda Nobunaga ou les nobles de clan comme Tosa.

Avant d'aborder ce sujet, penchons-nous sur l'histoire de la poudre et des premières armes à feu de l'humanité.


C'est une histoire de hasard qui provoque la découverte de ce qui deviendra l'un des outils les plus meurtriers du monde. 

Au 7ème siècle en Chine des médecins alchimistes qui recherchaient des remèdes d'immortalité mélangent du soufre avec du charbon puis de la salpêtre et découvrent que le feu permettait d'en produire une combustion violente. 

Certains voulant tenter d'aller plus loin mélangent le tout avec de l'arsenic, augmentant dangereusement la puissance du feu qui était incontrôlable et pulvérisent bien souvent les ateliers des chimistes.

La composition est ainsi bien encadrée et réglée. 


 La première utilisation de ces lances de feu fut d'abord pour assourdir et impressionner les ennemis.



Puis autour de 1130, cette poudre remplissait des tubes de bambous dans lesquels on insérait des flèches. Ce fut le premier type d'arme à poudre de tir à distance. 

Lanceur de flèches

Entre le 8ème et 13ème siècle, les différents échanges et conflits entre armées chinoises et musulmanes ont permis à ces dernières de découvrir cette invention et de l'améliorer en mélangeant des cendres au salpêtre afin de purifier celle-ci et d'augmenter considérablement la puissance de feu. Les chinois ajoutent aussi des adjuvants pour colorer les flammes, inventant le feu d'artifice.

Canon à main dynastie Yuan-Chine (Photo par Y.Trottier)

Au 13ème siècle, ces armes arrivèrent en Europe surtout avec les invasions mongoles, qui utilisaient les armes à feu chinoises.

Cependant, on retrouve des exemples d'utilisation européennes antérieures, lors du siège de Saragosse par les armées musulmanes Maures en 1118. Les espagnols copient alors ce savoir-faire et s'en servent en 1180 au siège de Cordou contre ces mêmes Maures. 

Ensuite ces armes se démocratisent peu à peu. Lors de la bataille de Crécy, les Anglais venus ravager les villes proches de la Manche utilisaient des bouches à feu, qui tiraient des balles de fer mais qui était surtout si bruyante qu'elles terrorisaient chevaliers et chevaux. L'arc cependant est le plus meurtrier et les armes à feu ne jouent encore qu'un rôle mineur.

En 1453, les français ayant assimilé cette arme et l'ayant allégé, l'utilisent contre les anglais lors de la bataille de Castillon.

Cependant, les armes étant encore lourdes, difficile à manœuvrer et souvent dangereuses pour l'utilisateurs et les fabricants furent considérés comme des armes magiques et diaboliques en Europe.

Ces bouches à feu restèrent ainsi en Asie, et relégués presque au rang d'accessoire pendant plusieurs siècles.

Au Japon, si l'on connaissait depuis le 7ème siècle le procédé d'explosion par la poudre grâce aux échanges avec la Chine, c'est lors de l'invasion mongole de 1274 que les guerriers japonais découvrirent l'évolution de cette alchimie utilisée en grenade assourdissante.

Guerrier mongole déstabilisant un samurai avec le bruit d'une grenade 

 Les samurais presque vaincus furent sauvés par les disputes internes de l'armée ennemie composée de Coréens et de Chinois. Un puissant typhon balaya les embarcations mongoles, rendant les japonais chanceux victorieux.

Pour l'anecdote, la seconde invasion de 1281, vit la grande armée mongole repoussée par des japonais en sous effectif mais bien préparés. Un typhon, encore, vient détruire la flotte d'agresseurs, signant la fin des intentions d'invasion mongole sur le Japon.

Ce typhon salvateur fut appelé le vent divin, le kamikaze en japonais. 


Le Kamikaze, vent divin balayant les envahisseurs mongoles


En Europe par contre, les armes à feu connaissent de nombreuses évolutions. Les bouches à feu améliorées devinrent des bombarde, canons fondus et non plus forgés, qui permettait de lancer de gros boulets en pierre, puis en marbre ou en grès.

© Musée de l’Armée


A la fin du 14ème siècle on commença à y mettre des boulets en plomb et en fer, plus faciles à fabriquer et à transporter. Ces derniers étaient aussi chauffés pour tirer à boulets rouges afin d'enflammer les lieux visés, d'où l'expressions "tirer à boulets rouges".

Au 15ème siècle, on revient un temps aux boulets de pierre avec des canons solides et plus sécurisés mais ne pouvant tirer que 400 coups avant d'être réviser, d'où également l'expression "avoir fait les 400 coups".

Puis la grande demande de canons obligea à repasser aux boulets de fer, les fabricants de cloches se mirent à faire des canons en bronze pour pallier au manque d'armes.

La volonté de vouloir surprendre et surpasser son ennemi dans les conflits permirent l'évolution de ces gros canons peu maniable en canons plus pratique, jusqu'aux premières véritables armes à feu individuelles et portatives, les couleuvrines qui donnèrent par la suite les premières arquebuses.

Couleuvrine du 15ème siècle

Loin de toute cette agitation d'innovation, les japonais se contentèrent des premières bouches à feu sans viseur ni gâchette au 7ème siècle et de quelques grenades apportées par les invasions mongoles. Il fallut attendre 1542 et l'arrivée des portugais via le port de Tanegashima pour que les nouvelles armes soient découvertes par les japonais.

Historiquement les premières armes à feu modernes de l'archipel furent fabriqués à Tanegashima, mais c'est à Sakai, autre port important du Japon du 16ème siècle, que les artisans nippons la fabriquèrent en grande quantité, l'améliorant grandement.

Les artisans de Sakai, nombreux depuis l'époque de la construction des tombes impériales kofun (4ème et 5ème siècle) ne se contentèrent pas seulement de fabriquer des armes performantes et solides. Ils les transformèrent en véritables œuvres d'art. La vente d'armes devint alors un commerce juteux pour la ville qui était réputée pour fabriquer les meilleures arquebuses du monde. Légères, décorées d'or, elles flattaient leurs porteurs.

Voici les éléments qui distinguent les arquebuses de Sakai, les Sakai Tzutsu 堺筒

Les bouches de canons en formes de fleur de pavot

Canon en forme de fleur de pavot


La présence du mont Fuji sur le canon


Mont Fuji, précis ou suggéré


L'orfèvrerie

Fleurs de cerisiers, Sakura

Fleurs de pruniers, Ume

Grues

Bambous


On retrouvait ainsi sur les armes de Sakai des symboles traditionnels et culturels du Japon, comme des divinités, des nuages, des casques de guerrier, la fleur de chrysanthème impériale etc...

Ces armes légères en bois de pin, précises et robustes pour l'époque ont permis à la ville de Sakai de prospérer et d'obtenir un statut de ville indépendante qui fournissait la plupart des seigneurs de guerre du pays.

Cependant, cet âge d'or de l'arquebuse prit fin à partir de 1631 avec la politique isolationniste du Japon qui permit pendant près de 250 ans à l'archipel de connaître sa plus longue période de paix. Les japonais considéraient ces armes comme des outils occidentaux dont il fallait s'éloigner, les guerriers préférant le sabre, plus honorable, détruisirent la plupart des arquebuses du pays alors que l'archipel était sans doute le pays le plus armé au monde à cette période et la production d'arme à feu cessa.  

Chrétiens crucifiés, politique d'assainissement religieux du Japon

La ville de Sakai comme de nombreuses autres cités japonaises se concentra sur les arts, développant ainsi la multitude de trésors culturels aujourd'hui admirés par le monde entier.

Le fusil de Sakai disparaissait mais l'histoire des armes à feu ne disait pas son dernier mot pour autant.

Quand au 19ème siècle les anglais menacent de leurs navires les côtes japonaises, certains guerriers commencèrent à importer des fusils français, adoptés par de nombreux clans dont ceux du Shogun Tokugawa Yoshinobu, proche du gouvernement de Napoléon Ⅲ créant la jalousie d'autres puissances occidentales.

Britannique, Américain, français et Hollandais tentant de forcer les ports japonais


Les troubles intérieurs liés à cette pression étrangère provoque la guerre de Boshin. Ce conflit peut être considéré comme une guerre franco-japonaise contre britannico-américano-japonaise qui voit s'opposer les samurai du Shogun, proche de la France qui équipait en armes à feu et les clans rebelles de Tosa, Choshu et Satsuma, soutenus indirectement par les anglais et les américains qui souhaitait réinstaurer le faible empereur du Japon afin de forcer l'ouverture du pays au commerce et à la coopération militaire.

Vidéo: Jules Brunet, français instructeur du Shogun et début de la restauration impériale



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