L'incident de Sakai. Partie 1. Le Seppuku

 Au Japon, il y a un temple que les français se doivent de visiter avant tout autre, le Myokokuji.

Myokokuji en 1901

Il ne s'agit pas du plus beau temple du Japon, ni du plus grand, ni du plus vieux, mais c'est depuis une cérémonie de Seppuku (suicide rituel par éventration) ayant lieu entre ses murs que la France et le Japon ont une relation unique que nul autre pays ne peut se vanter d'entretenir.

Monument aux morts (gauche pour les samurais de Tosa, droite pour les soldats français)

Le 16 mars 1868, les 20 soldats du clan de Tosa, la tresse coupée, condamnés à mort par seppuku sur demande de Léon Roches, ambassadeur de la France au Japon, attendent comme le capitaine Abel Bergasse Dupetit-Thouars dans l'enceinte du Myokokuji, eux à l'écart du lieu d'execution, lui entouré par des soldats français, dans l'espace des "spectateurs".

Initialement prévu à 13h, le mauvais temps soudain obligea à retarder la cérémonie de deux heures.

Le rituel est stricte, le premier, Minoura, s'avance comme le feront les 19 autres après lui, concentré sur ce qui viendra ponctuer une vie de dévouement au clan Tosa.

S'agenouillant sur un petit tabouret, face aux public, les outils du rituels en sa possesion.

Ainsi commenca la cérémonie.

Un petit pot d'encre et un pinceau pour composer le waka, poème résumant ses dernières volontés

Un tanto des forges Sumiyoshiya (actuel forge Sasuke), sabre court dont il entoure le manche de son waka.

Les gestes sont décomposés, le regard ne vacille pas, ce samurai ainsi que ses frères d'armes, bien plus que de respecter l'ordre de suicide donné par leur seigneur, ont pour dernier desir d'impressionner les officiels français présents dans l'enceinte du temple. Les personnes n'ayant pas pu pénétrer entre les murs du batiment sacré, passent la tête par dessus pour observer la cérémonie.

Le bras s'avance, puis le coup sec, ouvrant l'abdomen lentement de gauche à droite en traversant le nombril, puis finit son geste en continuant son mouvement de haut en bas si la douleur ne l'arrête pas avant.

Bien que la ceinture Obi fasse office de pression pour retenir les entrailles, le tissu blanc et le poème en feuille de riz maculé de sang impressionna les militaires francais présent.

Le Kaishaku du nom de Baba, assistant designé par le soldat condamné, debout, sabre en main met fin au suicide par une décapitation en deux temps; jusqu'à la trachée afin que la tête tombe sur le torse et tranchant le reste des chairs pour que celle-ci reste proche du corps mutilé.

C'est ainsi que 11 samurais de Tosa firent honneur au serment de fidèlité qu'ils pretèrent à leur seigneur.

11 et non 20, car le capitaine français souhaitant une justice équitable demanda l'arrêt de la cérémonie. Il quitta le temple pour s'entretenir avec monsieur Léon Roches de sa décision. Pour lui, pas plus de 11 soldats devaient mourir, pour venger la mort des 11 marins francais, assassinés une semaine plus tot, le 8 mars 1868.

Entre temps un 12 ème homme, Hachizume s'était préparé à se donner la mort, son acte signé, le sabre prêt à faire sa funeste tache, le guerrier attendait le retour du capitaine français.

Tombe de Hachizume, 12 ème condamné

Ce moment fut interpreté par certains comme une fuite des occidentaux devant le spectacle impressionnant offert par les courageux japonais, mais toujours est-il que quand le capitaine revint avec l'ordre de stopper la cérémonie, le samurai sur son tabouret réclama qu'on le laisse mourir comme ses frères avant lui. Il tenta de se suicider mais fut raisonné par ses chefs.

Sur les 20 guerriers condamnés, 11 moururent, 8 furent exilés dans un temple sur l'ile de Shikoku, et le 12ème samurai eu pour mission de s'occuper jusqu'à sa mort des 11 tombes au temple Hojuin, devenu école maternelle, en face du Myokokuji.

Tous n'étaient que des soldats, mais cette autorisation de mourir par le seppuku leur donna le rang de guerrier samurai.

 

Tombes des samurais morts de gauche à droite (ordre de mort de droite à gauche) : Yanase, Inada, Kitadai, Morimoto, Yamamoto, Shogase, Sugimoto, Oishi (chef de compagnie), Ikegami (chef de compagnie), Nishimura (chef de corps), Minoura (chef de corps)

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